Analyse
[ 29 novembre 2021 by dpge_admin 0 Comments ]

La question de l’occupation du littoral

Le Sénégal, à l’image de la France depuis quelques années, est en train de connaitre l’épilogue du contentieux du domaine public maritime, qui est et reste un espace de toutes les convoitises.
Ce n’est plus un secret de polichinelle ou une lapalissade de reconnaitre que le littoral ou le domaine public maritime est un espace particulier où l’accès libre à la mer est reconnu à tous, même ceux des Etats qui ne disposent pas de littoral à travers le droit international maritime avec la Convention internationale des Nations Unies relative au commerce de transit des États sans littoral en date du 8 juillet 1965.
Toutefois dans un objectif d’apporter des éclairages d’une clarté diaphane, il ma plaira d’apporter de façon très lacunaire et dans un style très sobre, la position en droit de ce qui est communément appelé le scandale du littoral Dakarois.
Si la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue sous réserve qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements, celle-ci ne peut s’accommoder dans le domaine public maritime, en termes simples, nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou le littoral pour y réaliser des aménagements à des fins personnelles et privées.
Le domaine public maritime est régi par des grands principes à savoir l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité. Ce qui veut dire qu’on ne saurait construire à des fins personnelles dans un domaine qui relève du domaine public maritime à moins d’être un braconnier du littoral.
Le droit maritime fait le distinguo entre le domaine public maritime à celui du domaine public maritime artificiel. Si l’un est constitué d’une délimitation par la mesure de phénomènes naturels tels que la mer territoriale, le plateau continental, les rivages de la mer, les lacs etc, l’autre est constitué par le fait humain, autrement dit les emprises, les installations des ports maritimes et fluviaux avec leurs dépendances immédiates et nécessaires.
Au Sénégal le DPM est prévu par la loi sur le domaine de l’Etat, loi n°76-66 du 02 juillet 1976, qui prévoit dans ses différentes dispositions la possibilité d’octroyer selon les situations des autorisations d’occuper après déclassement et classement dans le domaine de l’état, de concession s’agissant de la domanialité publique ou encore d’autorisations d’exploitations.
La procédure de déclassement du domaine public constitue un moyen d’éviter les rigueurs de la domanialité publique puisque celle-ci obéit à des prescriptions strictes en cas d’autorisations domaniales qui entraînent en principe en cas de violation du cahier des charges à la résiliation ou la déchéance de l’acte.
Les autorisations d’occuper, les concessions ou autorisations d’exploitation du domaine public peuvent être accordées à titre gratuit lorsqu’elles revêtent un caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt économique ou social et moyennant des redevances fixées sur la base du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010, lesquelles sont très dérisoire au regard desenjeux économiques et des emprises en cause.
Cette décision doit tenir compte également à la fois de la vocation des zones concernées, des impératifs de protection environnementale des sites.
Ces occupations ainsi liées aux activités autorisées ne doivent pas compromettre la libre circulation sur la plage et le libre usage par le public d’un espace d’une largeur significative.
Toutefois pour les braconniers du littoral, le ” modus operandi” aura été de solliciter le déclassement par décret qui a pour effet d’enlever le domaine public maritime son caractère de domanialité publique et de le faire entrer, s’il est immatriculé, dans le domaine privé pour des raisons contraires à l’intérêt général ou l’utilité publique.


Cependant, le déclassement ne peut pas modifier le caractère précaire des contrats d’occupation du domaine public, puisque celui-ci est un acte de gestion et non de disposition, et l’autorisation peut faire l’objet de retrait à tout moment pour un motif d’intérêt général, lequel constitue un acte domanial et non une sanction.
Toute construction d’habitat dans cette zone ne devrait procurer à l’intéressé qu’un titre précaire, puisque celle-ci peut faire l’objet à tout moment d’une démolition ou d’un déguerpissement comme l’a si bien rappelé la Cour Européenne des droits de l’homme que “les décisions obligeant les requérants à quitter les maisons d’habitations qu’ils occupaient depuis plusieurs dizaines d’années et à remettre le domaine public maritime dans son état antérieur à ces constructions ne portent pas atteinte aux droits des biens.”
En outre, il est de jurisprudence constante que le DPM ouvert à l’usage de tous ne peut, à défaut d’autorisation temporaire d’occupation, servir tel ou tel intérêt particulier, sous peine d’expulsion de la parcelle occupée et de remise en l’état du domaine.
Il n’y a là aucune atteinte excessive à une liberté reconnue par la Constitution selon le conseil constitutionnel Français.
Par contre s’agissant des autorisations ou des concessions sur le domaine public maritime respectueuses de la destination d’utilité publique, elles feront en cas de remise en cause par l’Etat, d’une juste indemnisation en vertu du principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre.
Ainsi, c’est le moment de se poser la question de savoir est ce que l’Etat a toujours respecté et protégé le domaine public maritime ou le littoral puisque curieusement nous observons tous, le braconnage du littoral, la dégradation de notre paysage côtier et parfois sur fond de base supposée légale comme le décret n°2013-888 du 24 Juin 2013 prononçant le déclassement d’un terrain dépendant du domaine public maritime situé à Dakar, sur la corniche ouest, d’une superficie de deux mille cinq cent quatre-vingt-neuf (2.589) mètres carrés et prescrivant l’immatriculation au nom de l’Etat du Sénégal dudit terrain en vue de son attribution par voie de bail.
Sur celui-ci, ma seule interrogation est celle de savoir est-ce que ledit décret est justifié par l’intérêt général ou l’utilité publique.
Nul n’a le droit sous quelque prétexte que ce soit de s’accaparer du domaine public maritime s’il ne dispose pas d’un titre y l’habitant et que celui-ci soit justifié par un motif d’intérêt général ou d’utilité publique.
Ce principe s’applique “ERGA OMNESS”

Par Dr Ousseynou BABOU

Actualité
[ 13 juin 2019 by dpge_admin 0 Comments ]

A propos du pétrole du Sénégal

Si du point de vue communicationnel, l’affaire BBC sur les contrats de partage de productions pétrolières et gazières sénégalaises aura été retentissante au point de provoquer une secousse dans la République, laissant ainsi pantois les Sénégalais, il y a lieu de s’interroger sur les conséquences de droit par-delà les postures émotionnelle, confessionnelle, fraternelle ou même confraternelle adoptées depuis la publication de ce reportage.

La production pétrolière et gazière découle de deux phases. La première est la phase de l’exploration. Elle obéit à une procédure, depuis l’octroi du permis communément appelé “Permis H”, et se traduit par un éventail de mesures telles que la prospection, l’exploration. La deuxième est la phase de la découverte qui est le préalable à une série d’opérations, jusqu’à la production.

Dans ces différentes phases précitées, des moyens financiers et infrastructurels conséquents, ainsi qu’une expertise avérée sont indispensables. Malheureusement, ces instruments ne sont pas du reste, à la portée des pays en développement. D’où le recours systématique aux opérateurs ou sociétés de droit privé étranger.

Sur le permis octroyé à M. Frank Timis

Ainsi dans le cas du pétrole sénégalais, “il y a de l’eau dans le gaz” et “de l’orage dans l’air”. Le permis H avait été octroyé à Frank Timis. Un homme d’affaires australo-roumain supposé sulfureux, ne remplissant pas les conditions techniques et financières et apparaissant comme un courtier qui a fait du business en cédant ses droits à 250 millions de dollars (147 milliards de francs Cfa) à une société étrangère très connue dans ce domaine qui se trouve être BP. Laquelle déclare à travers son représentant à la suite des révélations de la BBC, posséder un contrat confidentiel avec M. Frank Timis.

En France, le titulaire du permis de recherche est le seul à pouvoir obtenir le permis d’exploitation (article 26 du code minier de la loi du 15 juillet 1994), lequel permis est octroyé par simple arrêté ministériel. Au Sénégal, le permis octroyé à M. Timis l’aura été suivant les dispositions de la loi du 8 janvier 1998 portant code pétrolier et le décret y relatif (6 octobre 1998).

À la lumière de ces dispositions législatives et règlementaires, M. Frank Timis devait justifier de ses capacités techniques et financières, de ses statuts, de son bilan, etc. (art 8 dudit décret). A l’issue de toute une procédure, l’avis conforme du ministre des Finances est requis pour la convention ou contrat de recherche. Par conséquent, il y a eu soit une négligence soit un dysfonctionnement dans l’octroi à M. Frank Timis du permis H, puisque comme le laisse entendre certains, ce dernier n’avait ni la capacité technique encore moins financière.

L’imputabilité d’une telle faute, le cas échéant, est à rechercher du côté du ministre qui a délivré ou qui a soumis le permis au président de la République, lequel me semble être un grand patriote que j’ai eu l’honneur de rencontrer avec une délégation d’un groupe français le 19 avril 2019.

Sur les royalties

Pendant la phase de pré-production, deux options sont possibles. La première option, c’est quand la société étrangère possède la totalité de la production pétrolière et, en retour, a l’obligation de payer certaines rémunérations à l’État ou une société créée à cet effet. Ces rémunérations se présentent sous la forme de “royalties” ou loyers contenus dans le contrat de la concession. La deuxième option, c’est quand la production est divisée entre les deux parties, selon un pourcentage déterminé par le contrat, c’est ce qu’on appelle le “contrat de partage de production” qui est d’ailleurs le cas du contrat entre le gouvernement du Sénégal et ses partenaires.

Alors comment comprendre le versement de royalties à Frank Timis comme le révèle la BBC ? Puisqu’on n’est pas dans une situation de contrat de concession mais plutôt d’un contrat de partage de production, il s’agit de deux régimes juridiques différents. Si royalties devaient y avoir, elles seraient versées au profit du gouvernement du Sénégal puisque les royalties en question sont les paiements exprimés en pourcentage des volumes de pétrole qui sont produits par les contrats, dans le cadre des contrats de concession et sont payées au propriétaire des ressources naturelles.

Alors à qui appartiennent ces ressources ? À M. Frank Timis ou à l’État du Sénégal. Dans l’absolu, si BP et Frank Timis, au travers des stipulations contractuelles prévoient de telles royalties dans une proportion supérieure ou inférieure à ce que prétend le reportage de BBC, il y a manifestement une menace contre les intérêts du Sénégal parce que tout simplement comme le dit l’adage : “qui peut le plus peut le moins”. Par conséquent, nécessairement, le gouvernement doit renégocier le contrat de partage de production parce que le contrat entre BP et Timis corporation a été scellé au mépris des intérêt du Sénégal.

Sur le principe de la confidentialité

Nonobstant le fait que du point de vue fiscal, l’opération en question est imposable selon les conventions fiscales en vigueur et selon qu’elle est imposable au Sénégal ou encore selon la domiciliation fiscale des sociétés en cause, il est susceptible de faire nourrir une inquiétude parce qu’en matière du droit pétrolier ou gazier, on ne peut nullement opposer à un État souverain disposant ses propres ressources naturelles le principe de confidentialité. En l’occurrence, cette déclaration du directeur de BP Sénégal, suscite une curiosité juridique sur les conditions dans lesquelles la cession de ces droits avaient été opérée.

En tout état de cause, le gouvernement du Sénégal avait la possibilité légale de s’opposer à la cession ou d’exercer son agrément ou encore de faire prévaloir son droit de préemption. S’il est légitime qu’une cession de contrats peut être valablement effectuée par deux sociétés privées, il n’en demeure pas moins que toute cession n’est pas en soi exempte de tout contrôle ou de toute intervention de la part d’un tiers. C’est toute l’interrogation de notre présente contribution.

L’objet de cette cession relève d’une ressource naturelle d’un État, et à ce propos, contrairement aux déclarations émises par des profanes qui soutiennent orbi et urbi que l’État n’a aucun intérêt dans un contrat émis par deux sociétés étrangères sur ses propres ressources internes, il n’est nullement besoin de rappeler que les ressources naturelles d’un pays tels que le pétrole et le gaz sont du domaine naturel de la souveraineté des États, ce qui implique que ceux-ci disposent juridiquement du pouvoir d’organiser librement les modalités de sa jouissance, de procéder unilatéralement à son organisation, y compris indépendamment des dispositions contractuelles contraires.

Plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies (1803, 626, 2158) attestent et rappellent ce principe de souveraineté.

L’État qui possède du pétrole ou du gaz dans sa zone de souveraineté a même la possibilité d’exproprier ou de nationaliser. C’était le cas dans l’affaire de la compagnie pétrolière Texaco contre le gouvernement libyen, l’arbitre a reconnu que le droit d’un État hôte de nationaliser est un principe incontestable du droit international coutumier. Par conséquent, le dirigeant de BP, ne peut nullement opposer au gouvernement du Sénégal le principe de confidentialité et dans tous les cas de figure, le Sénégal a un droit de s’opposer à la cession ou d’exercer son agrément. Sous ce rapport, on aurait même dû négocier directement avec BP.

Tirer avantage des révélations de la BBC

Dans le cadre du contrat de concession entre l’État du Sénégal et BP, il y a aussi un éventail de mesures permettant à la puissance publique de tirer avantage de cette révélation de la BBC en procédant à une révision du contrat, et ce, par plusieurs techniques contractuelles susceptibles d’être opérées. Quand bien même un contrat de partage de production est déjà conclu entre BP et l’État du Sénégal, et que celui-ci soit sécurisé juridiquement en principe par les clauses de stabilité permettant de parer à une série d’actes juridiques ou administratifs postérieurs à la conclusion du lex petrolia, le gouvernement du Sénégal dispose, à travers la théorie de l’improvisions ou la clause de hardship, de mécanismes permettant d’inviter BP à une table de renégociation.

La clause de hardship est une clause qui permet à une partie de revoir son contrat lorsqu’un changement de circonstances modifie fondamentalement l’équilibre financier de celui-ci. Cette clause obligerait les parties à se rencontrer et à négocier. En cas d’échec, le juge arbitral certainement pourrait intervenir pour réaliser le rééquilibrage. C’était le cas de la convention de concession entre l’État du Koweit et la société American independent Oil company du 28 juin 1948.

En d’autres termes, les cocontractants, s’ils peuvent logiquement prévoir les bouleversements qui porteront atteinte à leurs droits, ils ne peuvent prévoir leur gravité dans le temps, ni dans leurs formes. La clause de renégociation ou hardship a rarement été soumise à l’arbitrage international mais, juridiquement, elle est valable.

Deux affaires célèbres ont été soumises à l’arbitrage international. L’une portait sur la concession pétrolière liant l’État du Koweït à la compagnie Aminoil, l’autre était relative au contrat entre l’Iran et la compagnie Questech Inc. Le premier recours se fondait sur une clause de hardship remarquablement incluse dans le contrat. Pour le second, le tribunal arbitral a considéré et reconnu la doctrine du changement de situation (hardship) comme principe général du droit.

Cette possibilité a été confirmée par la CCI à l’occasion de sa sentence prononcée en 1987 et par l’OPEP à travers sa résolution 16.90 de l’OPEP du 24 au 25 juin 1968. C’est la raison pour laquelle, même si en matière de contrat pétrolier ou gazier le principe de Pacta sunt servanda (Les conventions doivent être respectées, en latin) revêt toute son importance, procurant ainsi aux cocontractants la sécurité contractuelle contre toute modification unilatérale, il reste toute même un procédé s’inspirant du principe Clausula rebus sic stantibus (Les choses demeurant en l’état, en latin) qui implique une exception à l’intangibilité du contrat par le système de mutabilité contractuelle. Laquelle peut constituer une exigence de justice alors que l’application stricte du contrat peut entraîner un abus de droit.

Appeler BP à la table de renégociation

Maintenant, à travers ce principe reconnu par l’Unidroit, on peut légitimement se demander si c’est dans la déclaration du dirigeant de BP, qu’il faut chercher les moyens juridiques de renégocier le contrat de partage de production afin que le Sénégal puisse en tirer plus d’avantages financiers.

Le débat fait rage dans les médias, mais l’importance dans cette situation est pour le Sénégal d’appeler BP à la table de négociation, sachant que ni le contrat de la compagnie britannique, avec Frank Timis ou Timis corporation, ou sa confidentialité ne saurait lui être opposé en vertu du droit international privé, public et coutumier. D’ailleurs, BP est une société de droit anglais et fort heureusement, le droit anglais reconnait implicitement la doctrine de la Frustration of purpose (Frustration de la raison) ou Contract frustation (Contrat de frustration).

Ainsi, nous recommandons au gouvernement du Sénégal d’ouvrir une enquête impartiale pour lever toute équivoque, il y va de l’honneur du président de la République et de son gouvernement. A défaut, la justice étrangère, surtout américaine, pourra se déclarer compétente.

Nous recommandons aussi de réunir les experts sénégalais en la matière afin de créer un comité scientifique chargé d’apporter les conseils nécessaires au gouvernement du Sénégal au lieu de réunir une instance telle que le Cos-pétrogaz qui a l’allure d’une instance politique, budgétivore dont l’utilité serait manifestement limitée face aux géants cabinets d’avocats anglo-saxons qui n’hésiteront aucunement à ficeler des contrats aux intérêts exclusifs de leurs clients et en défaveur du gouvernement du Sénégal.

Dans une précédente contribution parue en 2016, j’avais énuméré un certain nombre de risques inhérents à de telles exploitations mais j’avoue être très surpris du reportage de la BBC qui, inévitablement aura un avant et un après.

Analyse
[ 6 décembre 2016 by dpge_admin 0 Comments ]

Un débat plus scientifique que politique

L’EXPLOITATION PETROLIERE DANS LA ZONE ECONOMIQUE EXCLUSIVE SENEGALAISE QUELS ENJEUX RETENIR ?

Pour la première fois de son histoire, Le Sénégal vient d’enclencher un processus d’exploitation pas comme les autres, il s’agit d’une exploration entamée depuis quelques années, qui a débouché in fine à  la découverte de ce qui est communément appelé l’or noir.

Delà, au-delà de l’intérêt économique et vital que cela suscite pour les pouvoirs publics, elle déclenche un alerte incendie qui, si nous nous ne prenions pas garde, risque de poser de nombreuses problématiques  tellement que la sensibilité de celle-ci se pose avec acuité.

Toute la problématique tournera autour des risques économiques, environnementaux, voire même sécuritaires, qui sont du reste,  d’une extrême gravité et qui impliquent un dispositif méticuleux en amont et en aval.

Cette exploitation posera indubitablement  la question de savoir, est-ce que notre pays est prêt pour faire extraire l’or noir ? De cette réponse dépendra, la nécessité de cantonner les manquements afin de parer à toutes les éventualités possibles et de réduire au maximum possible les risques inhérents à de telle exploitation.

En effet, il nous semble que du point de vue juridique, le Sénégal ne dispose pas encore d’un arsenal juridique suffisant pour asseoir une telle exploitation, d’où l’intérêt immédiat  de se donner les moyens pour la mise sur pied d’un dispositif règlementaire en vue de son encadrement.

Qu’à cela ne tienne, l’exploitation pétrolière en  mer pose d’emblée le problème de sa qualification juridique, la détermination de son droit applicable et enfin les problèmes de compétence en cas de litige.

De façon générale, l’intérêt d’une qualification juridique des plates-formes pétrolières réside dans l’application ou non  du droit maritime, du droit de la sécurité et de la sureté maritime, et dans le cas où, ces plateformes reçoivent le qualificatif de navire, il serait aisé de puiser dans les  dispositions  règlementaires qui existent déjà à travers l’OMI et qui sont contenues dans les conventions internationales comme la convention de Montego bay.

L’exploitation pétrolière en mer, est généralement conçue en plusieurs catégories d’engins, ou en plusieurs catégories de type industriel, à ce propos, le professeur Jean Pierre Beurrier, les a classés en trois catégories, que sont les plates-formes fixes, les navires de forage et les plates-formes semi-submersibles.

En ce qui concerne les plates-formes fixes, qu’elles soient en béton ou en métallique, elles sont immobilisées sur le fond de la mer, et elles ne sont pas considérées comme des navires, elles sont généralement soumises à la loi de l’Etat côtier dans les eaux duquel elles sont installées.

Pour les navires de forage, leur qualification reste sujette à sa mobilité ou pas, puisque selon la doctrine ‘’maritimiste,’’ un navire est un engin flottant, qui peut naviguer en eaux flottantes et qui est apte à affronter « les périls de la mer ».

Ainsi les navires de forages dépendent de leur mobilité pour être qualifiés de navire, et d’ailleurs, la doctrine ne parle pas d’une même voix, il y’a une différence d’appréciation entre  les Professeurs Bonassies et Scapel, sur une certaine exigence liée à l’autonomie pour affronter les risques, qui selon ce dernier, doit être retenue avant de qualifier ces forages de navire.    

D’autres auteurs tels que le Professeur Jean Pierre Beurrier, estime que les navires de forages doivent être qualifiés de navire au sens du droit maritime, dans la mesure où ces positionnements dynamiques ne constituent ni un lien de sécurité, ni une immobilisation du navire de forage. 

Pour les plates-formes semi-submersibles, leur qualification est également sujette à controverse, en tout cas, du moins, si l’on s’en fie à la définition de Jean-Pierre BEURIER, qui estime que les plates-formes semi-submersibles sont : «ces engins qui sont capables de se déplacer, qui peuvent servir plusieurs fois, qui sont ancrés lorsqu’ils sont en opération, qui peuvent affronter les périls de la mer, qui disposent d’un poste de commandement en tout point semblable à une passerelle de navire ». De ce fait quand ils se déplacent (soit de manière autonome soit remorqués), ils sont assimilés à des navires. Ils portent les marques des navires (nom, immatriculation, port d’attache), ils sont inspectés par les sociétés de classification et doivent respecter le règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG), par contre, s’ils sont en phase d’exploitation dans le gisement pétrolier, et qu’ils sont en position fixe, ils perdent leur qualification de navire au sens du droit maritime.

Toutefois, même si l’intérêt d’une telle qualification juridique reste de taille, pour l’application ou non du droit maritime, autrement dit pour l’application des nombreuses conventions internationales de l’OMI, de l’OIT sur la protection des travailleurs de ces plates-formes, même s’il est d’un intérêt majeur pour que ces plates- formes pétrolières reçoivent juridiquement la qualification de navire, il reste que dans certaines conventions qui en prévoient leur encadrement, il est plutôt question d’une qualification fourre tout , autrement dit, une qualification large et étendue.

C’est le cas de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui ne parle même pas  de plates-formes offshore,  mais parle «  d’iles artificielles », « d’ouvrages » ou « d’installations » notamment en son article 60 paragraphes 6.

Par conséquent, il est d’une nécessité  de qualifier juridiquement ces installations pétrolières en vue de les aligner au droit international maritime, qui est déjà en avance sur des questions de sécurité et de sureté maritime, et par conséquent, le droit qui sera applicable en l’occurrence, sera le droit maritime, et plus précisément,  celui du droit international maritime dont les conventions provenant de L’OMI, sont pour la plus part, ratifiées par le Sénégal.

En outre, les enjeux sécuritaires sont-ils pris en charge par la marine nationale ?

Il s’agit ici, de l’opine dorsale de ces plates-formes, comme le dit l’adage, « il n’y a point de prospérité, là où, il n’ya pas de sécurité » à ce propos, la marine nationale a  ‘’du fil à retordre’’, tellement que son rôle est indispensable dans la sécurisation de cet espace vital pour l’économie Sénégalaise.

D’abord, il s’agit de la protection des installations qui sont avant tout, la protection d’un investissement, puis celle de la survie énergétique du peuple Sénégalais,

La convention de Montégo bay, en a déjà prévu cette exigence de protection, elle parle même d’un dispositif de protection qui va au-delà  du périmètre d’installation ou d’investissement, en estimant le périmètre au-delà de 500 mètres.

La France a prévu  ce dispositif sécuritaire, par une loi du 30 décembre 1968, dans laquelle il est interdit de pénétrer sans autorisation dans cette zone, pour des raisons étrangères aux opérations d’exploration, de même qu’il est interdit le survol de ces installations.

L’un des problèmes majeurs de sécurité et de sureté  et qui reste d’actualité est le phénomène de la piraterie et de terrorisme maritime.

La piraterie est définie par l’article 101 de la Convention de Montego bay , elle est définie en une série de situation ou d’actes suivants : <

Contre un navire ou un aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer.

Contre un navire ou  aéronef, des personnes ou des biens dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat.

Tout acte de participation volontaire à l’utilisation d’un navire ou d’un aéronef lorsque son auteur a connaissance des faits dont il découle que  ce navire ou aéronef  est un navire ou aéronef pirate Tout acte ayant pour but d’inciter à commettre les actes définis aux lettres a ou b, ou commis dans l’intention de les faciliter ».

Ces actes de piraterie sont quasi présents dans ces opérations, rien que l’année  2010, on dénombrait 445 cas d’attaques de piraterie, surtout dans le golf de Guinée où on note plus de plates-formes pétrolières que nulle autre part.

Ce phénomène de la piraterie interpellera au premier chef la marine nationale, qui devra, par un dispositif de sureté conséquent et suffisant se préparer à ces éventuelles menaces.

Enfin les enjeux liés à l’environnement, à la préservation du milieu marin, qui sont aussi d’une grande complexité, qui exigent aussi un dispositif méticuleux.

Tout d’abord, il faut savoir qu’il y’a eu, dans un  passé récent, de nombreux désastres dans les installations pétrolières en mer, et que le risque demeure toujours très élevé, comme le soulignait à juste titre d’ailleurs, le Professeur Martine-Gouilloud, « dans l’activité offshore, le risque de mer, se conjugue avec le risque du puits. »

De nombreux désastres ont été constatés dans les opérations d’exploitation offshore, dont les plus graves restent écologiquement et humainement lourds de conséquence, c’est le cas de l’explosion  de la plate-forme de forage Piper Alpha le 6 juillet 1988, située dans la zone centrale de la mer du Nord et appartenant au Royaume Uni,  détruite par une explosion de gaz naturel et par un incendie causant ainsi la mort de 166 membres de l’équipage, tout récemment en 2010, la plate-forme de forage semi-submersible Depwater Horizon  fut une explosion et un incendie à 80 km au large des cotes de la  Louisianes , causant 11 morts et 17 blessés, ce qui est l’une des catastrophes écologiques sans précédent dans l’histoire de l’humanité, 6000 à 8000m3 par jour d’hydrocarbures, selon les estimations sont déversées sur la mer, au point que le Président Américain Barack Obama en appela à une commission d’enquête indépendante. .

Ainsi, notre pays est loin de relever les défis sécuritaires et environnementaux, et au-delà de l’agitation et des prospections heureuses en terme de croissance que ce gisement nourrit, il faudra avant tout, engager un travail avant-gardiste  de sureté et de sécurité, à l’image des pays comme la France qui dispose des dispositifs de prévention comme le PLAN POLMAR, qui est un plan de lutte contre la pollution du milieu marin résultant d’un accident ou d’une avarie maritime, terrestre ou aérien qui entraine ou risque d’entrainer le déversement en mer d’hydrocarbures ou tout autre produit.

C’est ce genre de plan que nous proposons aux pouvoirs publics avant tout, surtout que les impacts sur notre milieu marin risqueraient d’être encore menacés par non seulement les eaux de ballast que nous avons du mal à régler, mais par les conséquences immédiates sur notre milieu marin et dont la plus grave est la dégradation de notre côte poissonneuse.

Ainsi, donc, la mise sur pied d’un office du pétrole par Monsieur le Président de  la République est plus qu’indispensable pour la gestion en amont, c’est-à-dire dès l’octroi du permis ou de la licence d’exploitation

Et sous ce rapport, nous conseillons de manière ferme à l’Etat Sénégalais dans les contrats de concession, de faire prévaloir le système prescriptif dans un premier temps, et au bout d’un certain nombre d’années passer au système d’autorégulation.